Mis en avant

1- Vous êtes libre

L’impro est un domaine théâtral dont beaucoup pensent qu’il est inaccessible. Ce qui m’a frappée dès le début c’est que l’on peut en réalité commencer à faire de l’impro avec rien, aucune compétence particulière, aucune qualité souhaitable, aucune aptitude précise. Entrer dans l’impro se fait en douceur, avec ce que l’on a naturellement en nous qui que nous soyons. Et avec cela on progresse.

C’est le 1er parallèle que je ferai avec la vie quotidienne. Au final chacun vit avec ce qu’il a, et quoi qu’il arrive progresse en fonction des circonstances qu’il rencontre et de ses choix face à ces circonstances. Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’on progresse en faisant, qu’il faut se lancer chaque fois que l’on souhaite quelque chose de nouveau pour soi.

Démarrer l’impro, c’est comme démarrer toute nouvelle chose, il faut se lancer en 1er lieu. Et comme pour tout projet qui implique un développement personnel, ou simplement un changement dans sa vie, c’est plus simple lorsque l’on regarde en arrière une fois que l’on est en route, et ça reste impressionnant lorsque l’on regarde en avant, alors que c’est toujours la même route.

La force d’attraction qu’a exercé sur moi la pratique de l’impro nait d’abord du sentiment de liberté qu’elle procure. Il y a mille façons de décrire cette liberté, elle a en effet mille facettes. La 1ère facette sur laquelle j’insisterais, c’est que vous êtes libre d’être naturel, d’être comme cela vous vient sans vous forcer, de laisser monter des idées intuitives, de laisser vivre cet enfant dans un coin de votre tête, et d’avancer à votre rythme.

Mis en avant

Pourquoi ce partage ?

J’exerce un métier d’ingénieure. L’impro est une ressource pour moi, un guide alternatif de vie dans les moments où j’ai besoin d’enthousiasme.

Ce que je souhaite partager ici, ce sont d’autres façons de voir les choses, ce que l’on vit tous les jours, des idées pour que le quotidien soit un peu plus joyeux, quand on peut y arriver. Parce que les idées que l’on se forge influent sur notre vécu.

Pas besoin de pratiquer l’impro pour lire ces articles et en profiter. L’impro est une inspiration pour la vie de tous les jours, que je veux justement partager avec d’autres qui ne la pratiquent pas forcément. Et ceux qui la pratiquent s’y reconnaitront en partie.

L’impro a contribué à enrichir ma vie. En me donnant confiance, en me faisant essayer des choses que je n’essayais pas d’ordinaire parce que je ne les connaissais pas, ou que je n’essayais pas, tout simplement. Essayer, c’est jouer.

A travers ces posts, je voudrais communiquer la puissance des acquis au cours de cette pratique et la force de quelques idées pour orienter ses actions.

7- Ce que je vis, le public le vit

Imaginez que vous êtes en train d’assister à un spectacle ou un match d’impro. Je pourrais vous parler probablement de n’importe quel type de spectacle d’ailleurs, mais peut-être pas de manière aussi marquante. Observez les acteurs. Vous êtes public, profitez de la scène qui se joue. Voici ce qui se passe.

La personne qui joue est stressée, vous allez commencer à stresser, la personne qui joue se détend, vous vous détendez, la personne qui joue entre en apnée, vous arrêter de respirer normalement, la personne qui joue est calme, vous êtes calme. Le public, naturellement, se met dans l’état de la personne qui joue. Pourquoi probablement encore plus en impro qu’ailleurs ? Par empathie pour le joueur qui n’a pas de texte et est seul maître de son histoire sur scène avec ses idées et son talent. Le public sait cela, et il prend la place de ce joueur, il vit littéralement ce qui se passe sur scène.

J’ai beaucoup travaillé la prise de parole en public, mais cette observation décrite plus haut, mise en évidence lors de cours d’impro, a été l’une des étapes les plus marquantes pour moi.

Lorsque l’on va être au centre de l’attention pour une intervention sur scène, on focalise sur soi, sur ce que l’on va dire, sur l’effet que l’on va faire, sur le déroulement de cette intervention. Mais si l’on tient compte du fait que naturellement le public a tendance à se mettre dans l’état où je suis moi sur scène, alors mon effet dépend grandement de mon calme, de mon assurance, de mon plaisir aussi à être là devant lui.

Mais je ne veux pas parler seulement de parole en public et de scène.

Lors de tout entretien, garder cela en tête vous aidera à orienter votre énergie dans la bonne direction. Dès que l’on parle à plusieurs, savoir que l’on communique, comme un acteur sur scène, ses propres émotions aux autres est fondamental. Ce n’est pas un talent, tout le monde interagit en partie de cette manière. En entretien d’embauche, en entretien annuel, si vous êtes calme, confiant et serein, vous calmez le jeu, sans rien avoir à faire d’autre. Si vous souhaitez une ambiance joyeuse, et légère, de même la meilleure source c’est vous-même. Comme le premier acteur qui entre sur une scène d’impro va établir l’ambiance générale, et chacun des intervenants suivants, peindre le spectacle de leur propre humeur, le public avec.

Je ne dis pas que c’est simple, vous ne changerez pas tout par votre simple état, mais c’est le début et la pierre angulaire. En prendre conscience, c’est le premier pas, c’est déjà énorme.

Inversement, si lors de certaines discussions vous vous sentez mal, observez si ce n’est pas lié à l’état des personnes qui participent à la discussion, et prenez de la distance par rapport à cela. Et voyez comme certaines personnes par leur propre sérénité donnent envie de les suivre jusqu’au bout du monde.

6- Une faute, c’est toujours 50/50

Je fais référence aux matchs d’impro, qui mettent en scène 2 équipes de joueurs dans une patinoire. Le match est encadré par un arbitre. L’arbitre compte les points, lance les impros avec des thèmes et des catégories, et peut siffler des fautes. En effet, un certain nombre de règles sont établies qui servent en réalité à la qualité des impros. Sans entrer dans le détail, vous pourrez entendre siffler des fautes telles que la rudesse, la faute d’accessoire, le clichés, le décrochage, le refus de personnage et autres.

Ce qui est important pour moi ici, c’est ce que l’on admet d’entrée qu’une faute, c’est toujours 50/50.

Il n’y a pas un fautif, mais une faute commise dans le cadre de l’impro par les 2 équipes. Certes, l’arbitre attribuera pour le jeu la faute à un joueur donné. Toutefois, le fait qu’une faute soit commise est le résultat d’une situation créée aussi par un partenaire de l’autre équipe. Un joueur, à lui seul, ne se met pas en situation de faute. Par exemple, le refus de personnage, si un joueur joue une vieille dame courbée avec une petite voix, et que son partenaire assimile ce personnage à un enfant, ce partenaire pourra se voir siffler une faute de refus de personnage. Mais l’erreur vient probablement du fait que le jeu n’était pas suffisamment clair et explicite, sans équivoque. En impro, lorsqu’il y a faute, il est admis que celui qui fait la faute a été induit en erreur et n’aurait pas fait la faute s’il avait joué dans une impro menée se déroulant de manière idéale.

Mon idée en faisant référence à cela est de prendre du recul, par rapport à la responsabilité de chacun dans certaines de nos erreurs ou certains de nos remords de tous les jours. La plupart de nos actes découlent d’une série de circonstances et de pensées qui ne sont pas liées qu’à nous-mêmes. Est-ce que réellement je suis la seule à avoir pris part à ce résultat ? Inversement, blâmer quelqu’un, une seule personne, d’extérieure, pour un résultat non souhaité revient très probablement à charger cette personne de plus de responsabilité qu’elle n’en a effectivement. Est-ce que je n’ai pas, moi-même, pris part à ce résultat ?

Ce que je souligne, c’est que l’on voit en impro que si un partenaire avait tout correctement exécuté et m’avait assisté complètement, je n’aurais pas fait la faute. Je reste cependant partie prenante. Les deux joueurs sont responsables de la faute par construction. Et c’est ensemble qu’ils éviteront la faute la fois suivante, en jouant de manière plus précise, en étant plus attentifs l’un à l’autre, en alimentant l’histoire commune avant tout, et avant leurs idées propres.

5- Un et un font trois: Magie

La magie de l’impro, c’est de marier les idées. Une belle impro, une impro qui fait rêver, c’est lorsque 2 idées, ou plus, se combinent. Mais le plus fascinant, en tout cas pour moi, c’est que la combinaison n’est pas l’une ou l’autre des idées, c’est une 3eme idée. Les deux idées de départ sont là dans l’histoire mais comme des traits sur un visage, c’est le nouveau visage que l’on voit. Les deux idées de départ n’ont surtout plus d’importance parce qu’il est évident que ce qui est en train de se jouer avec la combinaison est tellement plus intéressant.

Ainsi, une impro mixte démarre entre 2 joueurs qui ne se sont pas concertés et qui débutent une histoire avec chacun une idée en tête. Ils ont pourtant le but commun de construire ensemble, parce que s’ils persistent seuls chacun dans leur idée, il n’y a pas d’histoire, il y a seulement 2 individus en scène. Avec un peu de pratique, on se rend compte que 2 idées si éloignées soient-elles peuvent toujours se rejoindre quelque part et faire une histoire. Un cosmonaute rencontre un poisson rouge, ça se joue, un pirate rencontre une ballerine, ça se joue, une cigarette rencontre une voiture, ça se joue, une marionnette rencontre une baleine, ça se joue, vous pouvez avoir confiance. Ou aller voir par vous-mêmes. Ou mieux expérimenter. Et quelle richesse peut naitre de telle départ d’histoire, des aventures, des romances, des drames.

Des scènes comme un début d’impro mixte, j’en vis des tas, et je me dis finalement que quelle que soit la personne que je croise, quelle que soit son idée du moment, il y a un moment à construire ensemble. Ce ne sera pas fait de ce que je pense moi, ou de ce qu’elle pense elle, ce sera un moment bâti sur ce que nous aurons apporté, un nouveau concept. Et ce sont des choses que moi seule, je n’aurais pu créer, et l’autre seul non plus. Ce que je retiens de cela, c’est qu’il faut y croire, être ouvert à l’altérité, faire des pas l’un vers l’autre, écouter, s’adapter, un ensemble de conditions propice à l’échange pour que cela fonctionne, et lorsque cela fonctionne, c’est magique, c’est féérique, c’est inattendu, c’est de la création instantanée à partir juste de ce que 2 personnes apportent. Ce sont des avancées à pas de géant.

4- Faire avec ce qui est sur la table

Dans la continuité du précédent post, une autre règle de principe applicable en impro, consiste à jouer avec les éléments qui ont été introduits par les différents participants à l’impro. Jouer avec ces éléments, rien que ces éléments et idéalement tous ces éléments. C’est ce que dit chacun des joueurs au cours de l’impro qui devient tour à tour « vrai pour l’impro ».  Des éléments peuvent être ajoutés à tout moment cependant la qualité d’une impro nait de quelques éléments maitres de départ autour desquels on brode, on creuse, on sculpte les détails, ce qui permet de donner du relief et du réalisme.

Dans la vie quotidienne, cette règle est peu applicable dans le sens où les données d’entrée sont illimitées et où il est difficile d’interdire d’en introduire de nouvelles. Pourtant sur la base de cette règle d’impro, beaucoup d’idées me viennent. J’y reviendrai progressivement, et je commencerai par celle-ci. Elle rejoint directement la notion d’acceptation.

Je fais une parenthèse sur cette notion d’acceptation. L’acceptation est très différente de la résignation. L’acceptation est une force qui permet d’avancer dans toutes circonstances en s’appuyant sur le principe même que ce qui est ne peut plus être changé. Toutefois, on peut travailler sur ce qui vient. Travailler sur ce qui vient comme seule option et penser à cela seulement, c’est concentrer son énergie vers l’avant. Une solide alternative aux ruminations, regrets, remords et pensées négatives tournées vers le passé.

En impro, il n’y a pas d’autre alternative que de construire avec ce que chacun a apporté sur scène, puisque le reste n’existe pas, en tout cas pas pour le public, qui est la seule référence valable. On fait avec, et cela nous oblige à travailler de manière inventive sur cette base. C’est ainsi, il n’y a rien à faire d’autre ou à espérer d’autre, et c’est un jeu. Il y a mille façons de parler de l’acceptation, l’impro permet d’en faire une parfaite illustration. Voyez par vous-mêmes.

Si vous le souhaitez, vous pouvez considérer que ce que chacun amène autour de la table du repas, c’est cela et pas autre chose, ce que chacun amène en salle de réunion, ce que chacun amène dans la voiture, ce que chacun amène à une fête entre amis. Vous avez votre bagage et vous mettez sur la table ce qu’il y a dedans et pas autre chose comme chaque personne autour de vous, et c’est avec cela que l’on construit le repas, la réunion, le voyage, la fête. Cela donne à chacun une part de responsabilité pour ce qui est sur la table, mais surtout, si je sais que c’est avec cela que je dois faire pour le moment, alors allons-y, construisons, débattons, mais n’essayons pas ‘inventer une autre histoire que celle-ci. C’est cette histoire qui se raconte et il y a un tas de façon de la rendre intéressante.

3- Le dernier qui parle a raison

L’impro par définition se déroule dans un monde imaginaire, ce qui signifie que la notion de vérité n’a pas d’importance dans l’absolu. On pourrait à peu près dire ou faire ce qu’on veut en impro. En tout cas, on le peut lorsqu’on est seul à jouer puisque ainsi, la seule vérité que l’on risque de contredire c’est la nôtre.

Dès lors, un principe s’applique qui donne en réalité un intérêt immense au jeu d’impro, et cela consiste à considérer que le dernier qui parle a raison. C’est ainsi que l’on créée la réalité de l’impro, ce qui est dit ne devrait plus être contredit, en tout cas pas entièrement. Cela permet à chacun des joueurs de participer en partie à l’histoire sans risquer le coup de gomme des partenaires. Comme ce que vous racontez en impro n’existe pas, chacun est invité à croire d’emblée ce que vous dites, de manière à laisser à espace de liberté à chaque expression, permettre à tous les imaginaires de trouver leur place dans l’histoire. C’est fondateur pour l’impro, c’est très inspirant à plus large échelle.

Combien de fois dans la vie de tous les jours partons-nous du principe que le dernier qui parle a raison ? Et combien aurions-nous à gagner en richesse de réflexion si nous le faisions plus souvent ?

J’invite juste à la réflexion. Je ne dis pas de considérer cela comme un principe, mais plutôt comme un temps de pause et d’interrogation qui nous permettrait de nous demander, avant de parler soi-même, s’il est possible que celui qui vient de parler ait raison. La question n’est pas de savoir si je dois lui donner raison, mais de voir ce qui se passe si je laisse une ouverture. Qu’est-ce que ça crée comme alternative ? Sans vous engager, juste y penser.

Peut-être existe-t-il un point de vue qui ferait qu’il pourrait avoir raison. Peut-être y a-t-il une part de vrai dans ce qu’il dit. Peut-être qu’il dit cela parce qu’il a une idée en particulier que je n’ai pas. S’il a pris la peine et le temps de parler, est-ce que je ne devrais pas considérer ce qu’il dit comme quelque chose de sensé, au moins de son point de vue, est-ce que je ne devrais pas laisser le temps à ces paroles de prendre un sens avant de les remplacer par d’autres. Et au moins, je dois pouvoir lui laisser la liberté de conserver son idée à l’abri de la négation le temps qu’il décide lui-même de changer d’idée.

On n’a pas le temps, vous me direz, de se poser toutes ces questions. C’est vrai, c’est pour cela que je relie ce principe à l’impro. En impro, on n’a pas le temps non plus, et on ne fait qu’appliquer la règle, ce qui permet justement de ne pas avoir à se poser de question. Et ça ouvre tellement de choses impensables ! Si chacun essaie d’appliquer simplement cette règle un peu plus souvent, de laisser l’expression de l’autre exister en parallèle de la sienne, il est possible de créer un espace de réflexion plus riche.

Vis-à-vis de l’autre, celui qui en face de nous et qui vient de parler, cela va même bien plus loin. En lui laissant la possibilité « d’avoir raison », ou en lui laissant la liberté de penser qu’il a raison sans écraser ce qu’il vient de dire, on laisse libre son espace d’influence, on le laisse influencer a minima sa propre histoire, et se sentir apte à aller dans le sens qu’il souhaite lui-même.

2- C’est maintenant

En impro, lorsque le thème est donné, on a quelques secondes pour réfléchir à un contexte, un personnage, des circonstances de démarrage. Et il faut entrer en scène, de suite. Ne pas entrer en scène est une faute. Il n’y a pas le choix, même si les idées ne sont pas venues, même si ce ne sont pas celles qui vous font rêver pour jouer. Il faut être en scène et jouer.

Pour chacun de nous c’est pareil, on se retrouve tout le temps dans cette situation. Lorsque le réveil sonne, on se dit qu’il faut y aller. Lorsque la porte s’ouvre, on se dit qu’il faut entrer ou parler, lorsque la lumière s’allume, il faut être là. En impro, pour faire face à cela, il y a plein de fils, dont je me dis que chacun peut être utile dans la vie de tous les jours. Je pourrai les détailler chacun plus tard.

Mais le fait d’être là sur scène simplement fait que nous sommes déjà en train de jouer. Peut-être pas de la façon idéale que nous souhaiterions, à la manière d’une star, brillant et pertinent. Nous sommes là sur scène simplement et le public nous regarde.

Notre manière d’être là est déjà un jeu de scène et c’est déjà suffisant.

Lorsque vous êtes présent, tous les jours, aux personnes qui vous entourent, peu importe que vous soyez brillant ou pertinent. L’important est d’être là. Et la scène se déroule maintenant. C’est sur cette scène du moment que vous jouez, impossible de reporter, et vivre sa vie, c’est la vivre dans l’instant.

Même caché au fond du lit, on joue un aparté, mais on est là.

Pour cela, l’impro apporte un tas d’idées qui font se sentir mieux, des idées inspirantes en quelque sorte. Ces idées permettent de ne pas être démuni, de garder une contenance pour soi en toute circonstance, une présence à soi, sans difficulté. Tout le monde a accès à au moins quelques fils. Et l’idée sous-jacente principale, c’est que le plus grand pas que vous ferez, c’est d’être là en scène maintenant. Le reste se fait petit à petit et est accessible à chacun.